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mardi 15 janvier 2008

LA REINE (plaignante) contre YANNICK SIMARD (Intimé)

C A N A D A
PROVINCE DE QUEBEC
COUR DU QUEBEC
DISTRICT DE CHICOUTIMI
(Chambre Criminelle)

Dosier no: 150-01-000953-951
LA REINE (plaignante) contre YANNICK SIMARD (Intimé)

JUGEMENT:

Le prévenu est accusé de conduite d'un véhicule à moteur avec une capacité affaiblie par l'effet de l'alcool, de défaut; d'obtempérer à un ordre d'un agent de la paix et de négligence criminelle. Au procès, il plaide coupable aux deux premiers chefs.

1. LES FAITS

Le 5 décembre 1994, une interdiction de conduite frappe le défendeur mais le 26 mars 1995, il rentre au volant de sa voiture. Éméché, malade, il s'endort, heurte un poteau et son véhicule s'immobilise sur la chaussée, sur le toit. Les fils électriques pendent au-dessus, à la hauteur des yeux, mais l'intéressé réussit à sortir indemne.

Arrive alors le distributeur d'un journal dominical. Il aperçoit le poteau au-dessus de la route, suspendu à la verticale. Il doit rouler sur l'acottement et un fil accroche même le miroir de sa voiture. Il fait monter le prévenu pour le reconduire mais part en sens opposé. Il revient et voit un couple sur les lieux de l'accident où descend le défendeur. En passant à Ville de La Baie, il signale l'événement à la police.

Une amie de l'accusé arrive à son tour sur la scène de l'accident. Elle voit les fils électriques qui pendent et doit conduire à l'extrême droite de la route, pour immobiliser sa voiture sur l'acottement. En reconnaisant l'automobile du défendeur, le compagnon de la conductrice descend, se rend à l'autre véhicule et touche à un fil. En se portant à son secours, la jeune femme subit le même sort mais moins gravement. Deux autres amis du prévenu arrivent alors et la ramènent chez celui-ci où quelqu'un demande une ambulance.

À la vue des fils électriques, les ambulanciers n'osent approcher avec leur véhicule. Quant aux policiers, ils font les mêmes constatations et longent l'accotement. Ils marchent une centaine de pieds. D'après leur rapport, il y a 470 mètres entre les lieux de l'accident et le domicile du prévenu.

Lorsque l'accusé rentre avec deux amis, sa mère lui conseille d'aller au lit et l'assure qu'elle prend la situation en mains. Avec son mari et les deux compagnons de leur fils, elle se rend sur les lieux de l'accident où se trouve le couple blessé. On ramène la jeune femme et le père du défendeur demeure sur place.

À l'arrivée de la blessée chez l'accusé, le frère de ce dernier téléphone aux policiers et aux ambulanciers, à la demande de la mère.

Les deux amis du prévenu décrivent la scène de la même façon que les autres témoins. Après avoir conduit la blessée chez l'accusé, ils s'empressent de revenir sur les lieux, pour éviter d'autres accidents.

2. DISCUSSION

2.1 La loi

D'après le Code criminel du Canada (1),est coupable de négligence criminelle quiconque: a) soit en faisant quelque chose: b) soit en omettant de faire quelque chose qu'il est en devoir d'accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui. La jurisprudence précise cette infraction.

2.2 La jurisprudence

Dans l'affaire PAQUIN (2), la Cour d'appel du Québec note que l'appelant a pris sur lui de conduire une automobile alors que, vu son état, il devait s'en abstenir. Ceci était une manifestation de son acquiescement à conduire en pareil état et démontrait l'élément d'insouciance déréglée et téméraire requis par l'art.202 (1) C.cr.

Dans MARKOVIC (3), cette Cour se penche sur un cas de conduite dangereuse causant la mort et rappelle l'opinion de la Cour suprême du Canada (4):pour déterminer s'il y a négligence, le critère est objectif, soit celui d'un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu'observerait une personne raisonnable. Point n'est besoin d'établir l'intention de l'accusé. La question qui se pose aux fins du critère objectif concerne ce que l'accusé aurait dû savoir... Il convient néanmoins en droit de faire une distinction nette entre la personne qui était consciente de son acte (intention subjective pure) et une personne qui aurait dû se montrer prudente indépendamment de la conscience (intention objective pure). Il faut donc appliquer le critère de l'écart marqué, nuancé par les circonstances de chaque espèce.

De son côté, le défendeur souligne qu'on lui reproche son départ des lieux de l'accident, il évoque le Titre IV du Code de la sécurité routière du Québec et réfère à l'affaire LITALIEN (5): si le législateur veut modifier la loi quand un véhicule routier est impliqué dans un accident, libre à lui d'apporter les amendements qu'il croira appropriés au Code de la sécurité routière du Québec mais, pour l'instant, lesdites obligations se résument à ce que ci-devant mentionné. D'ailleurs ces principes ont été repris en bonne partie par l'honorable Gaston Desjardins de la Cour Supérieure du Québec dans l'affaire Tremblay c.Ville de Loretteville. Dans ce dossier (6), le tribunal conclut: en ce qui a trait à l'acteus reus, l'expression rester sur les lieux, signifie: demeurer sur les lieux pendant un certain temps. En l'espèce, l'appelant est demeuré sur les lieux pendant une période de 10 à 15 minutes et aucune aide n'était nécessaire de sa part. En fait, sa présence n'était requise, sous réserve des obligations prévues à l'article 170. Dans ces circonstances, il n'a pas commis l'infraction qui lui est reprochée ou, du moins, il subsiste un doute raisonnable à ce sujet.

2.3 Analyse

Au milieu de la nuit du 26 mars 1995, l'accusé se trouve dans un bar, en état d'ébriété avancée et malade. En sortant de la salle de bain, il décide de rentrer en voiture et s'endort. Il coupe un poteau qui se retrouve suspendu par les fils électriques au milieu de la route, à hauteur d'homme.Personne d'autre n'est impliqué, heureusement, et l'intéressé sort indemne de son automobile immobilisée sur le toit. Il est sonné par le choc et de plus, hanté par les conséquences de sa décision de conduire pendant interdiction. Tous les témoins qui l'approchent après l'accident le confirment et ajoutent qu'il parle de vie brisée, d'abandon de ses études, etc. Sa présence eut-elle été vraiment souhaitable sur les lieux de l'accident parce que finalement, on lui reproche de les avoir quittés?

Plusieurs personnes ont acc&egrav;es à la scène de l'accident et toutes constatent facilement la situation. La première à s'y présenter fait monter l'accusé pour le ramener et quitte les lieux, alors qu'elle est en parfaite possession de ses facultés intellectuelles et physiques. Arrive ensuite le couple blessé. En reconnaissant l'automobile de son ami, l'homme se précipite et touche un fil électrique. Pourtant, ni l'un ni l'autre voit l'accusé dans son véhicule ni autour, comme l'atteste la déposition de la jeune femme et la partie suivante du témoignage de son compagnon à l'enquête préliminaire:

Q.Bon.À ce moment-là, la, avant de vous stationner, est-ce que vous avez vu monsieur Yannick Simard sur les lieux?
R.Non.
Q.Vous l'avez jamais vu sur les lieux?
R.Non, je l'ai pas vu.

Il sied de préciser que la jeunne femme s'électrocute en portant secours à son compagnon.

Le dernier témoin résume bien la situation en disant qu'il a été très imprudent d'approcher le véhicule accidenté autour duquel et sur lequel pendaient des fils électriques, surtout que personne s'y trouvait ni aux alentours. Quant aux ambulanciers et policiers, ils ont choisi de marcher car le périmètre de l'accident présentait des risques évidents.

2.4 Conclusion

On reproche à l'accusé d'avoir quitté les lieux de l'accident mais comme le plaide son procureur, le Titre IV du Code de la sécurité routière du Québec prévoit cette situation. Dans son état, sa présence eut été plus ou moins efficace, surtout que d'autres personnes auraient pu et/ou l'ont vite relevé. Le premier accident résulte de l'énervement et il faut le reconnaître, de l'imprudence du jeune blessé, compte tenu des circonstances révélées par la preuve. Quant à sa compagne, elle subit le même sort en portant secours à son compagnon donc doublement consciente du danger.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL: ACQUITTE le prévenu du troisième chef d'accusation porté contre lui.



L'Honorable JEAN-YVES TREMBLAY
Juge à la Cour du Québec


ME SONIA ROULEAU, avocate
Procureure de la Couronne

ME JEAN-CLAUDE OUELLET, avocat
Procureur du prévenu


20 janvier 1997 sentence: premier chef: 14 jours de prison, deuxième chef, 14 jours de prison à être purgés de façon concurente...
Interdiction de conduire d'une période d'un an:
Probation de la durée de la peine d'emprisonnement, pour permettre à l'accusé de purger sa peine de façon discontinue à partir de samedi le 25 janvier 1997 à la prison commune de Chicoutimi.

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